Bibliographie de Jean-Francois Legrain
 


 

Elections palestiniennes : un scrutin historique

Des enjeux à plus long terme

Des propos recueillis par Cécile Mimaut, quelques jours avant les élections législatives palestiniennes.

Pour la deuxième fois de leur histoire, les Palestiniens ont élu le 25 janvier un Parlement, dans un scrutin qui opposait le Fatah, parti au pouvoir de l'Autorité palestinienne, et le Hamas, Mouvement de la résistance islamique. Quels étaient les enjeux de ce scrutin ? C’est la question que nous avions posée à Jean-François Legrain, chercheur au CNRS à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée de Lyon, et spécialiste de la question palestinienne, quelques jours avant le vote…


Radio France : C’est la première fois que le Hamas se présente à un scrutin législatif à un moment où l'hégémonie du Fatah, qui était aussi le fait du charisme de Yasser Arafat, pourrait selon les sondages être remise en cause. Le parti du dirigeant Mahmoud Abbas est-il vraiment menacé aujourd’hui ?

Jean-François Legrain : Son parti est menacé, mais comme sont menacés je dirais l’ensemble des mouvements de l’OLP. Parce que nous sommes aujourd’hui dans une situation d’échec de toute la stratégie de ses organisations, dont le but était la création d’un Etat palestinien, à côté d’Israël, sur les territoires occupés en 1967, via la négociation. Or, cette négociation malheureusement n’a pas débouché. Treize ans après le lancement du processus de paix d’Oslo, nous sommes dans une situation extrêmement difficile pour le quotidien des Palestiniens, avec un éclatement territorial entre d’une part la bande de Gaza et d’autre part la Cisjordanie, et à l’intérieur même de la Cisjordanie, entre une multitude d’enclaves avec la construction du mur, qui ne fait que rendre de plus en plus problématique la création d’un Etat doté d’une continuité territoriale. Ce qui fait qu’aujourd’hui, la désillusion de la population palestinienne est extrêmement grande et on observe en fait un repli sur l’identité religieuse des Palestriniens, qui est un peu considérée comme le dernier recours sur lequel l’occupant n’aurait aucune prise. C’est, je crois, dans ces termes que l’élection est vécue.

RF : Dans ce contexte, une victoire du Mouvement de la résistance islamique (Hamas) à ces élections législatives est-elle possible ?

J.F. Legrain :Une victoire en effet peut être envisagée. Mais je mettrais cependant un doute, parce qu’autant les gens font manifestement une confiance très grande dans Hamas pour la gestion de leurs affaires quotidiennes, autant dans le cadre de l’élection d’un Conseil législatif, on peut imaginer que la population se raccroche encore à l’idée qui était la sienne pendant toutes ces années, à savoir que l’OLP, d’une certaine façon et en dépit de corruptions, était dotée d’un certain savoir-faire au niveau diplomatique. Mais c’est vrai que de façon générale on assiste à une montée en puissance du mouvement Hamas et c’est justement l’enjeu de ces élections. C’est de savoir si un mouvement dans lequel se reconnaît en effet une très grande partie de la population pour la gestion de ses affaires quotidiennes va recevoir la confiance de cette population pour la gestion de l’ensemble de ses affaires nationales, tant sur la scène interne que sur la scène externe, internationale et diplomatique.

RF : Quelles pourraient être les conséquences d'un éventuel succès électoral du Hamas sur la scène diplomatique justement ?

J.F. Legrain : Il est difficile aujourd’hui de savoir ce que l’ensemble des acteurs adoptera comme attitude, puisque tant du côté de Hamas que du côté d’Israël ou de la scène internationale, il y a encore un très grand flou et un attentisme en réalité. Parce qu’on a à la fois des déclarations jusqu’au-boutistes qui visaient à boycotter totalement le mouvement Hamas et une éventuelle Autorité palestinienne contrôlée par ce mouvement, au nom de son inscription par exemple sur la liste des organisations terroristes, mais dans la pratique, on a aussi des relations qui ne sont pas récentes entre ces mêmes acteurs et le mouvement Hamas. Il y a des contacts diplomatiques menés par un certain nombre de pays européens, et les Etats-Unis eux-mêmes ont eu des contacts avec le Hamas. Ensuite, le mouvement Hamas lui-même est traversé par des contradictions internes très fortes sur l’attitude à adopter en cas de victoire, sur l’acceptation ou non d’une participation à l’exécutif et sur une diplomatie. Donc je crois que la réponse à la question ne pourra être apportée malheureusement que lorsque les différents acteurs auront pris une décision. Parce qu’évidemment, tout tient dans cette décision.

Article du 23/01/06


Ce texte est paru sur le portail internet de Radio France le 23 janvier 2006 (http://www.radiofrance.fr/chaines/france-info/dossiers/dpm/index.php?rid=255000057&aid=265000067). Il est accompagné de deux enregistrements:

Le 25 janvier, les Palestiniens sont appelés aux urnes pour élire un Parlement.Les derniers sondages donnent le Fatah du président Mahmoud Abbas Fatah et le mouvement Hamas au coude à coude. Quels sont les enjeux de ce scrutin ? Eléments de réponses à travers l'analyse de Jean-François Legrain, chercheur du CNRS à la Maison de l'Orient de Lyon... (23/01/06)

Le 28 mars, auront également lieu les élections législatives israéliennes.Actuellement, l’état de santé du Premier ministre Ariel Sharon reste toujours très préoccupant. Quelles conséquences sur le scrutin et quels enjeux pour le processus de paix ? Eléments de réponses à travers l'analyse de Jean-François Legrain, chercheur du CNRS à la Maison de l'Orient de Lyon... (23/01/06)